Ana Tot - Voyage en Bonhomie [Collection de l'Ombu, 2015]
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Article écrit pour Le Matricule des anges
L'objet est à la fois d'un élégant classicisme et fragile dans sa conception (un carnet de douze pages, non agrafé). Pourtant, qui dit brièveté ne dit pas pauvreté de contenu, comme nous le démontre ce Voyage en Bonhomie auquel nous invite la mystérieuse Ana Tot. Les trois poèmes réunis ici (ou le poème en trois parties) ont quelque chose (beaucoup) de la fable, de l'univers enfantin. Un monde de petits personnages à la tête ronde ou carrée, formes élémentaires qui sont également celles des maisons, quand elles n'en sont pas restées au stade premier de "trous dans la montagne". Un monde, pour tout dire, qui semble avoir été dessiné "sur les pages à carreaux de nos cahiers d'écoliers". On pourrait croire, à lire ces vers à la narration fluide et qui flirtent avec ce que le naïf a d'essentiel, que l'auteur nous propose une sorte de mythologie minimale où seuls comptent de rares éléments hâtivement gribouillés, sorte de scène primitive (ou primordiale), véritable commencement des temps ("au commencement le bonhomme n'a pas de maison"), cosmogonie de poche plus que conte de fées. Serait-ce le sphinx, celui qui nous dit que "le bonhomme a une ombre mouvante / aplatie à midi allongée en soirée" ? Il s'agit en tout cas d'être "épris d'existence", dans un "bouche à bouche quasi constant avec la vie". l'homme doit tout faire lui-même, c'est entendu, comme si rien encore n'avait été créé. Il en trouve, par quelque geste fondateur ("dessiner sur le sol avec le trait de son doigt"), les moyens ("et il ne reste plus au bonhomme qu'à fabriquer sa maison"). Il ressemble par moments à une huître qui pourrait se faire couteau, et c'est comme s'il avait trouvé son propre instrument, ce qui pourrait avoir son prix ("comme si son ombre était une coquille dont il serait l'autre moitié / mais cette fois la moitié vide").
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