Jean Echenoz - Cherokee
Le labyrinthe aux sentiers alambiqués
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Jean Echenoz - Cherokee [Minuit, 1983]
On conviendra aisément qu’il n’est jamais désagréable de découvrir enthousiaste un nouvel auteur. D’autant mieux si celui-ci s’avère en vérité très connu et que pour une série de raisons qui le plus souvent n’en sont pas on était complètement passé à côté (idées reçues ; inconséquence ; manque de méthode dans ses lectures ; paresse ou simple oubli). On a alors comme l’impression d’avoir inventé la poudre (étant entendu que découvrir un auteur peu ou pas connu n’a rien en soi d’un mérite, puisque étant inconnu, on ne pouvait que le découvrir ; alors que s’agissant d’un écrivain ayant pignon sur rue, en bon snobs que nous sommes, on avait toutes les chances de passer sans le voir).
C’est là ce qui vient de m’arriver avec la découverte aussi tardive que déraisonnable de l’œuvre d’un de nos auteurs vivants les plus célébrés - dans et hors de nos frontières - et les plus lus (je parle de bons écrivains, s’entend), à savoir Jean Echenoz. Comment – permettez que je répète ce mot : comment – ai-je pu ne pas m’y plonger plus tôt ? J’en suis encore tout ému. Serait-ce à cause des couvertures tristounettes des éditions de Minuit ? Ou parce qu’il a reçu le Goncourt il y a une quinzaine d’années, ce qui à bien des égards semble rédhibitoire (alors même que la loi de probabilité la plus élémentaire voudrait que de temps à autre ce prix se voit remis à un bon écrivain). Cela tient certainement du mystère ; à moins que l’on soit de ceux qui croient comme cela m’arrive parfois que certains livres, certains films, certaines musiques n’existent que pour attendre leur heure, tapis dans l’ombre.
Echenoz, donc. De son prénom Jean. Un type qui porte le patronyme d’un personnage du Locus Solus de Raymond Roussel, ce qui en soit est déjà plutôt classieux (inutile de choisir un pseudonyme, le réel et la littérature s’en sont déjà chargés). Roussel qui, justement, ça tombe bien, est une des influences revendiquées par notre auteur, ce qui n’est pas pour me déplaire (au passage : lisez, lisez donc, si ce n’est pas déjà fait, l’œuvre prodigieuse de l’écrivain le plus excentrique des lettres françaises, maître de procédés aussi délirants que rigoureux).
Il y a dans la trilogie inaugurale du corpus echenozien – Le méridien de Greenwich ; Cherokee ; L’équipée malaise – une récupération en forme de retour joyeux du roman d’aventure et de ses cousins plus ou moins honnêtes. Bourré à craquer de péripéties qui s’empilent pour mieux s’emmêler, un groupe de personnages semble y avoir été lâché afin d’y errer, de s’y croiser, de s’y perdre, de s’y activer qui nonchalamment, qui besogneusement, courant des buts aussi divers qu’abscons, le plus souvent inutiles, se dégonflant à peine gonflés en ravissantes baudruches.
Dans Cherokee par exemple – cette espèce de copie baveuse et drolatique d’un polar flou – il y a des détectives ; des policiers ; une secte d’adorateurs du rayon ; divers malfrats plus musclés que vraiment méchants ; une femme mystérieuse après laquelle courir ; du chloroforme ; des passages secrets en veux-tu en voilà… Et surtout, il y a Georges Chave, qui se demande quand même un peu ce qu’il fait là, le pauvre, mais qui pourtant y est bien, là. La preuve : tous le monde lui court après, sans que ni lui, ni le lecteur (ni peut-être même l’auteur) ne sachent très bien pourquoi. Ce n’est de toute façon guère important, seul compte le léger vertige d’une intrigue concentrique qui s’est déjà délitée avant même d’avoir commencée (qu’importe : le gonfleur ne cesse de s’activer et la baudruche repart comme en quarante). Pourtant, comme le fait pertinemment remarquer un Jean-Patrick Manchette admiratif dans une fameuse lettre adressée à l’auteur, « ça tient ». Et pas qu’un peu. Les personnages entrent et sortent comme au théâtre ou dans un boulevard, soulevant le rideau, ouvrant dans un fracas relatif la porte du placard (relatif, car tout ici reste ouaté, doux, légèrement mélancolique) au fur et à mesure que l’auteur les tire quand ça lui chante d’un chapeau ma foi plutôt bien rempli, s’amusant (maitre mot ici) à les configurer selon divers patrons littéraires qui tiennent le plus souvent de la gare, du comics mal imprimé, de la tribulation technicolor.
Cela a été dit milles fois, mais on le redira pour la mille et unième : ce qui fait que « ça tient », c’est le prodigieux talent de l’auteur – son élégance archi vantée, indéniable - pour créer des images ; une qualité visuelle très forte illuminant chacune de ses phrases. Ainsi, telle avenue parisienne bondée ; tel jardinet défraichi d’un pavillon perdu entre deux barres grisâtres à Ivry ou ailleurs ; telle vielle Opel prête à rendre l’âme, prennent sous sa plume aussi gracile qu’habile (virtuose à sa façon, jamais démonstrative, toujours sur ses gardes – pas une seule phrase banale de tout le livre) une présence, une identité subtile. On y est, pour tout dire ; c’est comme du Modiano, en nettement moins ennuyeux (affirme à l’emporte pièce celui qui n’en a jamais lu une ligne). Cette qualité première de son écriture – où l’ambiance importe plus que la péripétie, ô combien prolixe pourtant – tient peut-être à un recours particulier, le plus souvent pince sans rire, de la métaphore. Il la prend, la malaxe un peu puis s’en sert enfin, la déposant un peu en biais dans sa phrase, qui s’en trouve dès lors d’autant plus dynamisée. Il s’agit bien sûr d’un effet de distanciation, une forme d’ironie productive, qui ne vise pas la moquerie mais la possibilité de l’écriture, réussir un retour à la narration « décomplexée » (le moins que l’on puisse dire, constatant les intrigues alambiqués des premiers livres d’Echenoz, c’est que le mot fait sens) en passant le col de l’avant garde pour y piocher les mains pleines. Raymond Roussel après tout, « le plus grand magnétiseur des temps modernes » (Breton dixit) n’était-il pas le premier fan (presque dévot) de Jules verne, ne jurant que par lui (et se trouvant ma foi fort décontenancé de ne pas connaître le même succès de librairie) ?
C’est un peu ce qui se joue dans Cherokee (dans les autres aussi), sorte de machine fictionnelle où la trame – délirante, incessante – est l’arbre qui plutôt que la cacher, contient la forêt de la langue, lui permettant de s’ébattre à plaisir, faisant d’Echenoz un autre magnétiseur, plus tranquille, presque timide dans sa nonchalance virtuose (car, oui, la nonchalance peut être virtuose). L’aventure, l’intrigue n’est que ramification, labyrinthe aux chemins qui bifurquent et bifurquent encore, retombant pourtant, aussi incroyable que cela paraisse, dans le même fleuve (ou qui semble être le même). La dernière page refermée, on a l’impression que tous les fils sont bien là, fermement tenus par notre main heureuse du parcours, tout en se demandant quand même par quel tortueux trajet on est passé. Et tout ça dans une légèreté mousseuse, fraiche ; le frisson joyeux du plaisir interdit soudainement autorisé par cette langue prodigieuse qui a l’évidence de sa perfection ludique.
G. Mar – Nocturama
G. Mar – Nocturama [Le grand os 2014]
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Article écrit pour Le Matricule des anges
« Je m’enfonce dans la tourbe jusqu’aux chevilles le crâne de mes quinze ans déniché dans une fosse commune entre les mains ». On ne rigole pas à toutes les pages en lisant les « textes-rêves » parfois cauchemardesques qui tissent la curieuse mosaïque du premier livre du mystérieux G. Mar (« né dans les Ardennes au milieu des années 70 »). Faisant suite au remarquable Quoi Faire de Pablo Katchadjian, il s’agit du deuxième opuscule de l’intrigante collection « Poc ! » du Grand Os.
Une logique onirique rythme donc cette écriture du fragment et de l’inversion ; du souvenir réel soudainement devenu apocryphe ; de la narration entrecoupée d’autres narrations ; de paradoxes (« Notre crime est là devant nous alors que nous ne l’avons pas encore commis ») ; de réminiscences cinématographiques (Hiroshima mon Amour ; Orange Mécanique…) ; d’associations d’idées ou d’images inquiétantes (« des sympathisants du général Pinochet déversent depuis les fenêtres des sacs de cocaïne ») ; etc.
Le narrateur (le rêveur, l’auteur) passe insensiblement de Rouen à Chicago et croise des jeunes filles « moulées à l’ombre des boutiques », dont les « yeux disparaissent sous leurs soutiens gorges », se trouve (avec qui ?) à un moment donné dans « une ville du Sud de la France (à moins que ce ne soit la Crimée) », a de « larges flopées d’air [qui] sortent de [s]a bouche pour faire éclater la surface redevenue plane de [s]es couvertures » tandis que « par la fenêtre le ciel immense se couche par nappes de lumière » et qu’il aperçoit « un grand navire au loin sur la Meuse chargé de tous nos morts ».
Angoissée, parfois ironique, lyrique mais exempte de toute emphase, l’écriture de G. Mar est forte d’une belle capacité à créer des images puissantes et à suivre une intuition généreuse. Les scènes se mêlent, se croisent et se confondent en une singulière cosmogonie.
Marcel Pla - Brandsen
Brandsen o la imagen como falso ready-made
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Marcel Pla - Brandsen [Blatt&Rios, 2013]
Article écrit pour Espacio Murena
Brandsen es una novela que se aproxima a la idea de libertad narrativa desde un ángulo sorprendente, para no decir antagónico: el de la reminiscencia cinematográfica, cuando no a veces el del cliché –algo que, después de todo, está íntimamente ligado a toda memorabilia cinematográfica–. Pero no se trata de un ejercicio de malabarismo más o menos virtuoso en el que el autor pretende administrar una colección de citas y otras alusiones destinadas a caber todas –pase lo que pase– dentro de los anaqueles del texto. Si es cierto que en cada una de sus páginas tenemos la impresión de pisar un terreno que podríamos conocer (acaso por haberlo visto desplegarse en una pantalla), no lo es menos el hecho de que esta sensación, lejos de cerrar el sentido y clausurar el imaginario del lector, invita a abrirlo cada vez más. Brandsen, en otros términos, es una novela embebida por un clima cinematográfico sin resultar en ningún momento una novela “sobre” cine, puesto que, a fin de cuentas no habla de otra cosa que de literatura.
El poder de atracción de la novela de Marcel Pla nace de su capacidad para armar imágenes que ilusoriamente parecen remitir a otras (que no están hechas de palabras), otorgándoles así más potencia de seducción. El cine como arte de la ilusión, a medio camino entre una sospechosa suspension of disbelief y el acartonamiento, se ve allí puesto en escena tanto como artificio necesario del relato sin el cual nada sería posible –pero bien expuesto a la vista– que como un “deber ser” de los personajes. Brandsen, el asesino a sueldo; Mica, la mujer que lo ama y que se pasa la vida esperándolo; Iván el gaucho misterioso y huérfano… Todos parecen obedecer a una especie de patrón inverificable, a veces escurridizo, pero cuyo fantasma no deja nunca de merodear por los vericuetos del relato. Incluso Ignacio, este joven vagamente ingenuo que parece vagar por la historia porque no tiene nada mejor que hacer. Lo mismo se podría decir de los escenarios. Brandsen es, entonces, una especie de paseo pausado por una serie infinita de moldes que, como cajas chinas, parecen siempre dispuestos a contener más (y a veces lo contrario) de lo que uno en un primer momento creía que eran capaces de contener.
La novela tiene lugar en una provincia confusa hundida en un clima de catástrofe permanente, casi como si estuviera enterrada bajo una densa capa de cenizas volcánicas. Todo ahí se parece a un páramo, pero un páramo escalofriante en el que, pese a todo, se vive. Puesto a hablar de cine, podríamos imaginar una especie de argentina rural y crepuscular filmada por los hermanos Coen (que rodaron películas como Fargo). Aunque en el mundo que despliega Brandsen encontramos menos crueldad, menos idiotez y más fantasía y ternura; lo lúgubre en sus páginas nunca se cierra completamente sobre sí, sino que, precisamente en tanto lúgubre, parece dispuesto a estallar y volverse otra cosa, otro disfraz hasta prorrumpir en aparentes desvaríos. Esta novela se vive como un paseo siempre renovado, que muchas veces toma el golpe de efecto no como herramienta narrativa sino como mero abalorio inevitable, algo que ocurre tanto como el resto y que no tiene por qué destacarse. Verosímil e inverosímil se cruzan, mezclan y anulan porque de lo que se habla ahí es de otra cosa. Del amor, por ejemplo; del color y la densidad del cielo; de armar metáforas justas y extrañas; del arte de la frase como arte de la novela.
El pueblo principal, perdido en el medio de esta pampa-catástrofe derruida y corroída por la ceniza, se llama Mansilla. Esta excursión tiene algo que ver con aquella a los indios ranqueles, aunque las criaturas con las que nos cruzamos a veces no poseen su contundencia histórica. El malón, ahí, es una vieja tradición que permanece en el ambiente, un molde más, y los toldos tienden a perderse de vista bajo la ceniza. Brandsen nos presenta una especie de lejano oeste argentino con olor a azufre, donde todo parece obedecer a leyes distintas, un mundo algo bruto y salvaje, donde la violencia puede estallar en cualquier momento. No solamente la de las armas de fuego, esa de los viejos westerns, sino también una violencia más moderna, más horrífica si se quiere, la de las mutaciones genéticas, la de las experimentaciones ilegales sobre humanos. Algunos seres curiosos reptan por estas páginas; extrañamente sexuados, se los apoda “huelepedos” y no carecen de parentesco con esos bichitos por excelencia lamborghinianos llamados tadeys.
No obstante, cuando la violencia estalla finalmente, es como si no estallara del todo. Es que aquí, en el modo de narrar y de encarar la necesidad novelesca del acontecimiento, reina cierta forma de languidez, un dejarse estar, una manera de perder el tiempo, de dejarlo fluir. Por más que no rehúye del absurdo o a veces del disparate, esta novela no se construye sobre el patrón de un ir hacia adelante. Su densidad narrativa y lo que hemos llamado su clima de catástrofe permanente se ve contrariado por cierto dandismo escriturario. Algunos de los momentos de acción más densa se ven resumidos en algunas pocas palabras, como si el autor ahí se aburriera o no quisiera incurrir en lo demasiado obvio. Brandsen es, así, una novela de acción que busca eludirla, puesto que lo único que le interesa son las imágenes y su poder de insinuación. Con ella Marcel Pla ha inventado, acaso, un nuevo género posible: la novela-paseo, la novela-muestra donde el festival ininterrumpido de imágenes, como ready-mades tramposos (vistos de cerca no son tan “ready”, ni tan “made”, sino más bien todo lo contrario), apunta hacia lo único que importa después de todo: la experiencia poética.
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Marcel Pla - Brandsen [Blatt&Rios, 2013]
Article écrit pour Espacio Murena
Brandsen es una novela que se aproxima a la idea de libertad narrativa desde un ángulo sorprendente, para no decir antagónico: el de la reminiscencia cinematográfica, cuando no a veces el del cliché –algo que, después de todo, está íntimamente ligado a toda memorabilia cinematográfica–. Pero no se trata de un ejercicio de malabarismo más o menos virtuoso en el que el autor pretende administrar una colección de citas y otras alusiones destinadas a caber todas –pase lo que pase– dentro de los anaqueles del texto. Si es cierto que en cada una de sus páginas tenemos la impresión de pisar un terreno que podríamos conocer (acaso por haberlo visto desplegarse en una pantalla), no lo es menos el hecho de que esta sensación, lejos de cerrar el sentido y clausurar el imaginario del lector, invita a abrirlo cada vez más. Brandsen, en otros términos, es una novela embebida por un clima cinematográfico sin resultar en ningún momento una novela “sobre” cine, puesto que, a fin de cuentas no habla de otra cosa que de literatura.
El poder de atracción de la novela de Marcel Pla nace de su capacidad para armar imágenes que ilusoriamente parecen remitir a otras (que no están hechas de palabras), otorgándoles así más potencia de seducción. El cine como arte de la ilusión, a medio camino entre una sospechosa suspension of disbelief y el acartonamiento, se ve allí puesto en escena tanto como artificio necesario del relato sin el cual nada sería posible –pero bien expuesto a la vista– que como un “deber ser” de los personajes. Brandsen, el asesino a sueldo; Mica, la mujer que lo ama y que se pasa la vida esperándolo; Iván el gaucho misterioso y huérfano… Todos parecen obedecer a una especie de patrón inverificable, a veces escurridizo, pero cuyo fantasma no deja nunca de merodear por los vericuetos del relato. Incluso Ignacio, este joven vagamente ingenuo que parece vagar por la historia porque no tiene nada mejor que hacer. Lo mismo se podría decir de los escenarios. Brandsen es, entonces, una especie de paseo pausado por una serie infinita de moldes que, como cajas chinas, parecen siempre dispuestos a contener más (y a veces lo contrario) de lo que uno en un primer momento creía que eran capaces de contener.
La novela tiene lugar en una provincia confusa hundida en un clima de catástrofe permanente, casi como si estuviera enterrada bajo una densa capa de cenizas volcánicas. Todo ahí se parece a un páramo, pero un páramo escalofriante en el que, pese a todo, se vive. Puesto a hablar de cine, podríamos imaginar una especie de argentina rural y crepuscular filmada por los hermanos Coen (que rodaron películas como Fargo). Aunque en el mundo que despliega Brandsen encontramos menos crueldad, menos idiotez y más fantasía y ternura; lo lúgubre en sus páginas nunca se cierra completamente sobre sí, sino que, precisamente en tanto lúgubre, parece dispuesto a estallar y volverse otra cosa, otro disfraz hasta prorrumpir en aparentes desvaríos. Esta novela se vive como un paseo siempre renovado, que muchas veces toma el golpe de efecto no como herramienta narrativa sino como mero abalorio inevitable, algo que ocurre tanto como el resto y que no tiene por qué destacarse. Verosímil e inverosímil se cruzan, mezclan y anulan porque de lo que se habla ahí es de otra cosa. Del amor, por ejemplo; del color y la densidad del cielo; de armar metáforas justas y extrañas; del arte de la frase como arte de la novela.
El pueblo principal, perdido en el medio de esta pampa-catástrofe derruida y corroída por la ceniza, se llama Mansilla. Esta excursión tiene algo que ver con aquella a los indios ranqueles, aunque las criaturas con las que nos cruzamos a veces no poseen su contundencia histórica. El malón, ahí, es una vieja tradición que permanece en el ambiente, un molde más, y los toldos tienden a perderse de vista bajo la ceniza. Brandsen nos presenta una especie de lejano oeste argentino con olor a azufre, donde todo parece obedecer a leyes distintas, un mundo algo bruto y salvaje, donde la violencia puede estallar en cualquier momento. No solamente la de las armas de fuego, esa de los viejos westerns, sino también una violencia más moderna, más horrífica si se quiere, la de las mutaciones genéticas, la de las experimentaciones ilegales sobre humanos. Algunos seres curiosos reptan por estas páginas; extrañamente sexuados, se los apoda “huelepedos” y no carecen de parentesco con esos bichitos por excelencia lamborghinianos llamados tadeys.
No obstante, cuando la violencia estalla finalmente, es como si no estallara del todo. Es que aquí, en el modo de narrar y de encarar la necesidad novelesca del acontecimiento, reina cierta forma de languidez, un dejarse estar, una manera de perder el tiempo, de dejarlo fluir. Por más que no rehúye del absurdo o a veces del disparate, esta novela no se construye sobre el patrón de un ir hacia adelante. Su densidad narrativa y lo que hemos llamado su clima de catástrofe permanente se ve contrariado por cierto dandismo escriturario. Algunos de los momentos de acción más densa se ven resumidos en algunas pocas palabras, como si el autor ahí se aburriera o no quisiera incurrir en lo demasiado obvio. Brandsen es, así, una novela de acción que busca eludirla, puesto que lo único que le interesa son las imágenes y su poder de insinuación. Con ella Marcel Pla ha inventado, acaso, un nuevo género posible: la novela-paseo, la novela-muestra donde el festival ininterrumpido de imágenes, como ready-mades tramposos (vistos de cerca no son tan “ready”, ni tan “made”, sino más bien todo lo contrario), apunta hacia lo único que importa después de todo: la experiencia poética.
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