Jean-Daniel Botta – Tutu

Comme un jeu d’enfant

Jean-Daniel Botta, dans ce recueil inaugural, fait feu de tout bois avec une réjouissante liberté.

 


 

 

Après avoir publié il y a quelques mois aux éditions Louise Bottu un recueil en collaboration avec le musicien Philippe Crab, Jean-Daniel Botta, également musicien, propose avec Tutu un curieux objet littéraire qu’il signe de son seul nom. Le volume est composé d’une trentaine de poèmes découpés en chapitres qui tiennent à la fois de la narration fragmentée (ou de l’insinuation d’une multitude de récits possibles qui se chevauchent) et de l’association libre – une association à certains moments brutale, à d’autres fluide, presque innocente – d’images qui se font et défont au fil du courant d’une écriture à la fois dense et relâchée. Il s’agit de donner « des noms un peu moins précis, pour que les choses nommées reprennent leur liberté » : cette liberté retrouvée, c’est évidemment celle que Jean-Daniel Botta découvre pour lui-même tout au long du recueil avec un plaisir communicatif. Il s’agit de s’inventer une poésie possible, ce qu’il réussit brillamment, sans effort pourrait-on dire, tant ses poèmes qui n’en font qu’à leur tête savent porter le lecteur d’un étonnant coq à un âne qui ne l’est pas moins, puis au poème suivant, qui semble, par quelque inexplicable opération alchimique, découler tout naturellement du précédent.

            Dans cette poésie nouvelle, tout est disponible à qui veut s’en emparer lyriquement, un photomaton, Chet Baker, un gyrophare (qui est « la boule à facette des vieux »), le loup et la grand-mère des contes ; et quand cette dernière prépare le pot-au-feu, « elle dit / L’écume c’est la salive qui remonte / la salive des animaux ». L’enfant est là, bien sûr, il écoute sa grand-mère, qui lui dit « Toi tu parles tellement que / si on te coupait la tête ce serait pas sérieux ». Car « en enfance, on porte dix fois son poids en air / comme un cosmonaute ». Ce qu’on voit alors, « c’est l’apesanteur / de la ressemblance », celle qui permet tous les collages, toutes les associations, les « comme » du poète. Car le poète, après tout, « triche le système solaire » et teste « des nouvelles planètes d’équilibre ». Reste à savoir « jusqu’où la forme d’un enfant / résiste à la taquinerie des morts ». Quoiqu’il en soit, « enfant je me frotte, jusqu’à la majorité / sur les carreaux, en pur sédentaire ».

            On parlait plus haut de coq, or celui-ci « apparaît dans les rêves / comme la défaite éclairante d’objets réels ». Et quand « le loup est là / novembre arrive / redoutez la rareté des mots ». On ne saurait dire que Botta la redoute, il est parfaitement à l’aise dans son bestiaire : « Le chien aime vivre / avoir des contacts / et chaque matin / il change souvent de direction. / Après une longue journée / il fait disparaître son anus / c’est la propreté ».

            Sa poésie parvient à conserver de l’enfance une capacité à l’invention qui est totale et sait tout faire car en elle « les personnes brillent d’elles-mêmes / changeant les poses standards une à une ». Dès lors, depuis cette merveilleuse enfance pérenne, « la bouche est en place » et « une douce conversation commence ».

 

Jean-Daniel Botta – Tutu [Vanloo, 140 pages, 18 euros]

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